Association des Amis de Rabelais et de La Devinière
Le rire chez Rabelais
Le rire rabelaisien dans Gargantua
I Pourquoi rire ?
1) Pour se soigner
Rabelais s’adresse aux lecteurs malades en tant que médecin (avis aux lecteurs et prologue). Il prétend les guérir par le rire. Le rire a des vertus médicales : il empêche l’homme de sombrer dans la morosité et l’affliction (le chagrin).
2) «Le rire est le propre de l’homme»
Cela montre l’optimisme de l’humanisme (première moitié du XVI° siècle). Le rire témoigne d’une conception positive de la vie, d’une quête incessante du bonheur.
3) Perspective religieuse
Le rire permet de sauver l’humanité souffrante. Il constitue face à la fragilité de l’être humain, comme le montre la pensée chrétienne. Il est fragile car il a commis le péché originel et il a été chassé du paradis.
II- Les divers procédés du rire
1) Les jeux de mots
Les calembours (traits d’esprits), les contrepèteries, les anagrammes (François Rabelais -> Alcofribas Nasier), les sons inarticulés (Janotus de Bragmardo, chapitre XVIII), les noms ridicules ou évocateurs (Capitaine Merdaille, Jobelin Bridé, Capitaine Engoulevent).
2) Les références obscènes et scatologiques.
La scatologie est liée à une tradition littéraire illustrée par des poètes tels que François Villon (1431?–1463?) et Clément Marot (1496-1544). Elle vise tantôt à faire rire, tantôt à condamner. Chapitre XVIII : «Le peuple de Paris est noyé dans l’urine de Gargantua à cause de sa superstition et de sa bêtise»). Beaucoup de références à la sexualité et aux excréments (« et tous deux faisaient souvent la bête à deux dos», «les veuves peuvent franchement jouer de la croupière» (chapitre III), chapitre V: longue description de la braguette de Gargantua et évocation d’un ouvrage (fictif) d’Alcofribas Nasier: De la dignité des braguettes, l chapitre XIII est consacré exclusivement à l’art de déféquer).
3) L’exagération.
L’hyperbole est la principale figure de style de l’exagération.
4) Humour ecclésiastique
Cet humour est indissociable de la formation franciscaine de Rabelais. Les franciscains étaient réputés par la gaieté et la vivacité d’inspiration de leur sermon. Cet humour consiste à détourner certaines formules liturgiques (messes) ou des passages de l’évangile et des textes sacrés (chapitre XXXVIII :«cette mésaventure avait été prédite par David dans ses Psaumes»)
5) Le comique érudit (savant)
Il nécessite de la part du lecteur une culture abondante et variée: religion, langues anciennes, littérature antique … Chapitre XIV: dénonciation de l’enseignement scholastique (médiéval), donné par les précepteurs sophistes. Cette dénonciation use de ce procédé. Rabelais mentionne un de ces précepteurs : Thubal Holoferne (Holoferne : référence à l’Ancien Testament, général assyrien décapité par Judith, autre personnage biblique).
6) L’ironie
L’ironie est liée à la pensée humaniste et ne formule pas explicitement une critique. La principale figure de style de l’ironie est l’antiphrase. Elle demande une certaine réflexion. Prologue : deux voix, celle de Rabelais et celle du narrateur, Alcofribas Nasier. La voix de Rabelais fait preuve d’une hauteur de vue, de respect du lecteur. Alcofribas Nasier est plus insultant et vulgaire.
III - Les cibles du rire
Elles sont multiples chez Rabelais. Il vise d’abord à discréditer les nombreux ennemis de l’humanisme, mais il se double d’une dimension argumentative et critique : le rire est satirique.
Conclusion :
Le rire rabelaisien revêt de multiples aspects. Il est parfois radical mais il a aussi une visée humaniste. La satire et l’ironie invitent le lecteur à sonder l’œuvre en profondeur afin qu’il ne se contente pas de s’amuser d’une œuvre qui raconte les aventures d’un géant.